Vos processus fonctionnent-ils correctement ? Peuvent-ils être améliorés ? Où les améliorer ? Dans quelles proportions peuvent-ils être optimisés ? Quels sont les gains que vous pouvez réaliser ? Voici quelques questions que des managers se posent mais ils éprouvent des difficultés à trouver une réponse satisfaisante. Nous vous proposons une approche très utile qui permet de se faire une idée de la situation existante et de conduire une démarche d’amélioration Lean.
Objectifs de l’observation
Une observation a pour objectif d’identifier le temps productif [1] et le temps non productif [2] dans le déroulement d’un processus. Dans cette optique, l’observation, comme démarche d’objectivation, sert à :
- Décrire le déroulement d’un processus et d’identifier les dysfonctionnements rencontrés. Ces derniers peuvent être liés à problème organisationnel, un manque d’information, un manque d’équipement, des lacunes de supervision, un manque de formation, des temps d’attente, etc. (liste non limitative et ajustable).
- Identifier des marges d’amélioration qui permettront de simplifier le déroulement du processus, de simplifier les tâches.
- Déterminer des temps unitaires dans le déroulement des activités dans des conditions normales de réalisation. Cela signifie que les dysfonctionnements sur lesquels une action peut être entreprise ne sont pas pris en considération.
L’observation s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue et d’optimisation des processus en impliquant les acteurs de terrain.
L’observateur a l’obligation d’être neutre par rapport au déroulement du processus. N’étant pas impliqué dans le processus, il doit adopter une position de retrait qui lui permet de poser des questions que les acteurs de terrain ne se posent plus parce que les difficultés ont été intégrées dans leur routine.
En préparation à l’observation, il peut être utile de disposer des éléments suivants :
- Montre bracelet (pas cette du smartphone peu discrète et encombrante)
- Un support rigide d’écriture (on ne dispose pas toujours d’une table pour écrire)
- Du papier en suffisance (on écrit beaucoup)
- De quoi écrire (prévoir au moins 2 bic au cas où l’un d’eux tombe en panne)
- Avoir pris connaissance des activités à observer via la description de fonction par exemple (pour savoir ce qu’on observe)
- Déterminer une première catégorie de pertes de temps pour classer les problèmes en cours d’observation
En début d’observation :
- Prendre contact avec la (les) personne(s) que l’on va accompagner lors de l’observation. Dans ce contexte, il est important de lui (leur) préciser clairement que :
- l’observation a pour objectif de comprendre le processus et d’identifier des difficultés ou des dysfonctionnements,
- l’observateur ne porte pas de jugement sur la personne (l’observateur n’est pas compétent pour le faire),
- si des éléments dans le déroulement du processus semblent bizarres ou ne sont pas compris par l’observateur, il demandera des explications à la personne,
- si la personne que l’observateur accompagne a identifié des dysfonctionnements ou des problèmes, elle peut les remonter auprès de l’observateur,
- prévenir la personne que l’on accompagne que l’on prendra des notes durant l’observation sur ce qu’on voit et les problèmes identifiés.
- Permettre à la personne que l’on accompagne de s’habituer à l’observateur en gardant un peu de distance au démarrage de l’observation (10 à 15 minutes environ).
- Prendre ses marques et ses repères, c’est-à-dire pouvoir positionner la (les) activité(s) à observer dans leur contexte et comprendre le déroulement du processus observé. C’est aussi prendre ses marques par rapport à la configuration des lieux (bonne vision de ce qui se passe de manière spécifique et globale). Cela peut prendre entre 10 et 30 minutes.
- Tester la prise de note pour vérifier qu’on est à l’aise et que l’on capture correctement le déroulement de l’activité. Il peut être aussi utile d’avoir une vision sur les activités périphériques pour avoir une vision globale et identifier les interactions avec les autres acteurs.
Durant l’observation
- La prise de note est essentielle durant l’observation :
- Structurer les notes pour :
- capturer les heures de début et de fin de l’activité,
- expliciter clairement l’activité observée,
- intégrer les commentaires, dysfonctionnements, problèmes rencontrés, pertes de temps.
- On peut travailler de plusieurs manières :
- Travailler par colonnes (4 colonnes) mais on risque de perdre beaucoup de place,
- Travailler en 2 colonnes (heure de début et prise de note). La deuxième colonne étant structurée en retraits (corps de la prise de note consacrée à la description de l’activité et le retrait aux commentaires et l’identification des dysfonctionnements),
- Utiliser des couleurs différentes (travailler avec un bic à 4 couleurs) en fonction des 4 catégories : on a une couleur pour les heures et la description et une autre pour les commentaires et les pertes de temps.
- Il est important d’être précis dans la séquence horaire : les activités doivent pouvoir se suivre en termes de timing et d’activités d’une part et la durée des pertes de temps doivent pouvoir être clairement mesurées (nombre de minutes) d’autre part.
- Classer les pertes de temps dans les catégories prédéfinies sachant qu’il est possible d’en ajouter au moment de l’observation.
- Lorsqu’une interruption est de courte durée, il est possible d’indiquer le temps estimé de l’interruption en n’oubliant pas de mentionner l’heure de survenance (ex : 14h35 – le système IT se bloque (7 minutes) ; ne voit pas que le sac est bloqué dans la machine et que le produit déborde).
- Structurer les notes pour :
- Se réserver des moments de discussion libre avec la personne que l’on accompagne. Cela peut se faire soit durant l’activité si la personne ne fait rien de particulier (le temps d’observation continue à s’écouler mais on doit être certain qu’elle ne fait rien ou ne doit rien faire) soit le compteur de temps est arrêté (par exemple lors d’une pause). Dans le second cas, le temps de discussion est capturé dans la synthèse mais neutralisé en terme de durée : il ne fera pas partie de la synthèse.
En fin d’observation
- Prendre quelques minutes pour :
- Remercier la personne que l’on a accompagné pour son temps et ses explications.
- Lui demander si on peut la contacter si on a des questions complémentaires.
- Débriefer avec elle sur les plus gros problèmes que l’on a observés et avoir son feedback et ses commentaires. Dans certains cas, une difficulté identifiée n’en est pas une et fait partie du déroulement de l’activité. Soit on a mal observé soit une difficulté a été intégrée comme faisant partie du processus. Il faut garder à l’esprit que certains dysfonctionnements ne pourront pas être solutionnés. Il est important donc de se concentrer sur ce qui peut être amélioré sans nécessité d’investissements particuliers (par exemple, des arrêts liés à un software qui plante régulièrement doit être remonté mais on n’aura pas beaucoup d’actions sinon le changer. Par contre, la personne qui fait plusieurs aller-retours pour aller chercher ses outils est quelque chose que l’on peut améliorer facilement avec une ceinture à outils).
- Faire le rapport de l’observation sur le template le plus tôt possible après l’observation et dans tous les cas, avant l’observation suivante. Les notes que l’on prend ne sont pas toujours complètes ou ont été prises en style télégraphique par manque de temps. On se souvient de ce qu’on voulait dire dans les heures qui suivent l’observation mais avec le temps, on a des difficultés à savoir ce qu’on voulait dire. Attendre trop longtemps pour synthétiser l’observation risque de perdre une information importante et de devoir refaire l’observation.
Le compte-rendu des observations
Le rapport d’observation contient, par observation, la description des activités que l’on a observées. Généralement, on y trouve :
- L’heure de début de l’activité et l’heure de fin. Les activités doivent se suivre de manière séquentielle pour avoir une représentation la plus précise de ce qui s’est réellement passé durant l’observation. Le temps ne faisant pas partie de l’observation est neutralisé (ex : explications données, arrêt physiologique, etc.).
- Un descriptif de l’activité (il est important d’indiquer correctement les volumes traités, le séquencement des étapes de réalisation, etc.).
- Les observations que l’on a pu faire durant l’observation (ce qui s’est passé autour de l’observation, les problèmes rencontrés par la personne).
- Un code classement : c’est l’évaluation du caractère productif ou non de l’activité ainsi que les causes de pertes de temps.
Un outil intéressant pour faire la synthèse de l’observation est le fichier Excel qui permet d’effectuer les calculs. Il permet également de structurer l’information.
Voici un exemple de structuration d’observation :
Avec Excel, il est possible de classer automatiquement le temps perdu par famille de problèmes que l’on a déterminée au préalable. L’outil permet également de réaliser la synthèse de l’observation sous la forme suivante :
Si la liste des pertes de temps peut être ajustée en fonction de l’activité observée, certaines causes sont assez récurrentes : retravail, problème organisationnel, équipement non adapté, manque de formation/connaissance des procédures, attente, information manquante, équipement inadapté.
Remarques
- Ne pas se limiter à une seule observation d’un processus. La refaire 2 à 3 fois avec des personnes différentes est source d’information :
- Des pratiques peuvent différer d’une personne à l’autre.
- Des problèmes différents peuvent apparaître à différents moments.
- Les conditions d’observation peuvent varier.
- Des bonnes pratiques peuvent être identifiées.
- Il y a autant de rapports d’observation à rédiger que d’observations réalisées. On pourra faire un benchmark des pratiques pour un même processus par la suite, ce qui constitue une manière de valoriser des pratiques.
- Le rapport d’une observation peut être ajusté en fonction des observations suivantes.
- Les observations sont présentées de manières très visuelle sous forme de deux bar charts : l’un montrant la proportion de temps productif et de temps non productif (ou temps perdu à cause de dysfonctionnements, problèmes, attente, etc.), l’autre explicitant l’importance des causes de temps non productif (la totalité du temps non productif est réparti dans les familles de problèmes).
- Impliquer les acteurs de terrain lors de l’observation est essentiel, car cela prépare la phase d’amélioration en prenant déjà en considération les idées émises et en les amenant à une prise de conscience de la situation actuelle par les questions que l’on pose durant l’observation.
Que faire avec le résultat des observations ?
- Les observations rendent l’efficacité – ou l’inefficacité – d’un processus explicite. Elles permettent donc de lancer un dialogue serein et dépassionné avec les parties impliquées dans la démarche : un processus fonctionne correctement ; il est efficace à x % et doit être amélioré ; il doit être complètement repensé.
- Les observations permettent de hiérarchiser les problèmes en fonction de leur importance. Des priorités d’actions peuvent être ainsi définies.
- La synthèse des observations peut être utilisée pour animer des groupes de travail d’amélioration.
- On peut se servir des observations pour tester l’efficacité – ou non – d’un nouveau processus et identifier ce qui doit être optimiser.
Notre expérience
Les observations constituent un outil redoutable pour optimiser les processus. C’est une démarche technique (optimisation d’un processus) et humaine. Il ne faut surtout pas hésiter à impliquer les personnes, impliquées dans le processus, dans l’analyse des résultats. On est souvent très surpris par leurs réactions et leur créativité. Dans la grande majorité des cas, les résultats ne les surprennent pas. Au contraire, ils permettent de rendre explicite des problèmes que les personnes vivent et qu’elles ne parviennent pas à exprimer. Et si des réactions négatives sont exprimées, c’est que l’observation ne reflète pas la réalité (on a fait l’observation d’une activité atypique par exemple). Il convient de la refaire et si les résultats sont les mêmes que la première fois, c’est que la perception des personnes n’est pas la bonne. On peut en discuter !
Le résultat des observations entraîne chez les personnes impliquées dans le processus observé un désir d’action pour trouver des solutions et améliorer le processus. On peut procéder par étapes en établissant un plan d’actions et en travaillant en sous-groupes selon les problématiques et les priorités en fonction des intérêts des uns et des autres.
Après la mise en œuvre des améliorations, de nouvelles observations permettent de mesurer leur impact … et de fêter le succès en groupe.
Une démarche finalement très participative dans laquelle les personnes impliquées ont la possibilité de s’impliquer. Une manière intéressante et pragmatique de mettre en application la démarche 6 Sigma et l’outil DMAIC (Define – Measure – Analyze – Improve – Control).
[1] Le temps productif est le temps passé à réaliser une activité créant de la valeur ajoutée.
[2] Le temps non productif est le temps passé à réaliser des activités ne créant pas de valeur ajoutée. Cela ne signifie pas qu’elles ne doivent pas être accomplies mais en modifiant le processus, elles seraient de moindre importance ou seraient supprimées purement et simplement car devenues inutiles. Par exemple, revenir 3 fois au même endroit pour prendre des outils n’est pas productif. Disposer des 5 outils les plus utilisés en permanence évite les différents trajets. Réaliser des activités de manière séquentielle n’est pas forcément productif. Refaire une activité qui ne correspond pas à ce qui est demandé n’est pas productif : définir les attendus avant de démarrer l’activité permet d’éviter de se fourvoyer.