L’échec est dans notre culture européenne latine un tabou. Quand on en vit un, on va le cacher le plus vite possible pour ne montrer que la belle face de notre personnalité et de nos réalisations. Pourtant, succès et échec sont étroitement imbriqués comme le yin et le yang. L’un ne va pas sans l’autre.
Nier l’échec, c’est se fermer la porte à la réussite. Tous les entrepreneurs vous le dirons : ils ont tous vécu des échecs. Pas seulement une fois mais plusieurs fois.
Les vrais entrepreneurs ont même le culot de revendiquer l’échec comme part intégrante de leur succès. Dans un monde où échec est associé à incompétence, faiblesse, fermeture de portes, suspicion ou refus d’octroi de crédit, entre autres, c’est un comble de clamer une telle chose … ou la preuve d’une incroyable prétention !
Si on y regarde de plus près, tous les leaders bien connus que l’on considère comme des modèles ont connu ces périodes difficiles :
- Steve Jobs : il se fait virer d’Apple – qu’il a créée – pour créer NEXT qu’il fermera, même si les produits sont géniaux.
- Richard Branson : condamné pour fraude fiscale à ses débuts, il connaît, avec Virgin, l’échec de Virgin Cola, de ses produits cosmétiques ou de Virgin Pulse (concurrent de l’iPod).
- Winston Churchill : cancre scolaire, dépressif, alcoolique, perdant à maintes reprises des élections, exclu de son parti, obligé à l’exil.
- Abraham Lincoln : battu à toutes les élections auxquelles il se présente, tombe en faillite, fait une dépression, perd son épouse.
- Thomas Edison : viré deux fois car considéré comme “trop stupide pour apprendre quoi que ce soit”, il lui faudra plus de 1.000 tentatives avant de trouver l’ampoule à incandescence.
- K. Rowling : se fait virer de son emploi, est quittée par son mari, se retrouve sans un sou et voit son livre Harry Potter refusé par les éditeurs.
- Soichiro Honda : tellement mauvais lors de son interview d’embauche chez … Toyota, il se retrouve sans emploi, avant de construire des scooters.
- Barbara : se fait huer au début de sa carrière pour sa voix et ses chansons.
- Walt Disney : après avoir été rejeté par sa famille parce qu’il veut dessiner, est viré d’un journal par “manque de créativité et d’imagination”. Mickey Mouse est refusé par les studios.
- Fred Astaire : considéré par les professionnels du showbiz et du spectacle comme incapable de chanter et de danser (et chauve de surcroit).
- Les Beatles : à qui les studios d’enregistrement reprochaient le “son de leur musique” à leurs débuts.
La liste de ces personnalités connues ayant vécu de sérieux revers avant de connaître le succès est bien plus longue encore.
Ces expériences mettent en lumière plusieurs enseignements concernant les échecs qui se retrouvent à la base de l’entrepreneuriat et qui nous concernent tous :
- L’idéalisation du succès – On présente toutes ces personnalités qui ont “réussi” sur leur meilleur jour, celui du succès, comme si elles n’avaient connu que cela, comme si elles étaient nées sous la bonne étoile du succès. Cette image à l’eau de rose est évidemment fausse et il faut le dire. Aucun de ces personnages ne dispose le gène particulier du succès. Les échecs qu’ils ont connus les rendent ainsi plus humains et leurs succès plus accessibles.
- Il n’y a pas de succès sans échecs – Le succès ne peut se concevoir sans échecs. En d’autres termes, c’est parce qu’il y a eu des échecs qu’il y aura succès. Tous les commerciaux vous le diront : ce n’est pas avec le premier prospect que la vente se fait. Les échecs permettent d’ajuster ce sur quoi on travaille et de trouver sa route. Les ruisseaux ne coulent pas en ligne droite. Ils ont trouvé leur chemin par essais-erreurs.
- L’échec n’est pas son auteur – Ce n’est pas parce qu’on a raté qu’on est un raté. Comme je le dis souvent : il y a le problème et il y a la personne ; le problème n’est pas nécessairement la personne. Or, on a souvent tendance à associer les deux. Dans la réalité, ce n’est pas le cas. Ceux qui ont réussi en sont conscient et mettent souvent en avant la chance comme facteur de succès.
- L’échec comme étape – L’échec n’est pas la fin. C’est juste une étape d’un parcours de vie. Cela signifie qu’il y avait quelque chose avant l’échec et qu’il y aura autre chose après. L’échec n’est donc pas la fin du monde si on rebondit.
- L’échec comme outil de construction personnelle – Ce que la plupart des personnalités ont fait, c’est utiliser l’échec comme tremplin pour rebondir et devenir plus forts par rapport à eux-mêmes avant tout. L’échec a forge leur caractère et leur persévérance. Cette construction basée sur la remise en question permanente de ce qu’ils font les rend également plus humbles et plus ouverts personnellement à ce qui les entoure. Steve Jobs le disait : “Le fait d’avoir été renvoyé d’Apple a été la meilleure chose qui me soit arrivé”. L’échec l’a ramené sur terre et a brisé quelque peu sa carapace d’arrogance.
- L’échec comme expérience – L’échec est une expérimentation qui permet d’avancer. Les chercheurs vous le diront : ils ne découvrent pas du premier coup. Mieux, c’est grâce aux échecs qu’ils ont trouvé quelque chose. L’échec est donc un moyen de comprendre et d’apprendre : c’est parce qu’elles ont connu des échecs que ces personnalités ont appris. On connaît tous l’adage populaire : “on apprend de ses erreurs“. Evidemment, cela nécessite une analyse de l’échec, de ses causes et des améliorations à apporter. Un chef d’entreprise disait : “quand mes collaborateurs se plantent, je les félicite parce qu’ils ont pris un risque. Quand ils se plantent pour la seconde fois, je les traite de cons parce qu’ils ne se sont pas poser les bonnes questions”. Le proverbe “l’erreur est humaine” a une suite : “la reproduire est diabolique“.
- L’échec partenaire de l’audace – Celui qui ne se lance pas, ne vivra pas d’échecs et encore moins de succès. Dans notre culture latine, c’est une démarche avec laquelle on est mal à l’aise. Et pourtant ! Il n’y a pas de succès sans prise de risque. Le plus grand échec n’est-il pas de ne pas essayer ? Comme le dit le proverbe : “qui n’essaye rien, n’a rien“. Nous nous souvenons tous de ces soirées, étant jeunes, durant lesquels nous aurions voulu entamer la conversation avec cette jeune fille ou ce jeune homme et où nous ne l’avons pas fait. Là, nous avons échoué.
- L’échec associé du rebond – Qui dit échec dit également capacité à rebondir. C’est peut-être l’élément le plus critique car l’important n’est pas d’échouer, c’est de se relever. Tant qu’on se relève, on peut progresser vers le succès. Les personnalités que j’évoquais dans les illustrations ont eu cette capacité de rebond parce qu’elles étaient passionnées par ce qu’elles faisaient et elles ont essayé, essayé et encore essayé contre vents et marées. Elles avaient une foi indéfectible dans leur projet et leur vocation.
- L’échec, c’est vivre finalement – Richard Branson a dit un jour : “Les audacieux ne vivent pas longtemps, mais les autres ne vivent pas du tout”. Si les audacieux réussissent, c’est aussi parce qu’ils provoquent le succès par leurs tentatives infructueuses. Ils reposent leur action sur trois dimensions : ils ont de l’expérience (par l’expérimentation), ils augmentent leurs compétences (en apprenant de leurs échecs) et remettent en question leur zone de confiance (pour avancer).
- Pas besoin d’être Math Sup pour oser : Le film Un taxi pour Tobrouk relate l’histoire de quatre soldats français (interprétés par Maurice Biraud, Lino Ventura, Charles Aznavour, et German Cobos), aux profils de vie très différents, durant la seconde guerre mondiale. A un moment, perdus dans le désert, leur véhicule détruit, deux d’entre eux (Lino Ventura et German Cobos) décident de poursuivre le chemin à pied alors que les deux autres (Maurice Biraud et Charles Aznavour) attendent la mort sur place. Maurice Biraud a cette réplique magnifique : “Deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche “. Lino Ventura remettra cela (c’est normal, les dialogues sont de Michel Audiard dans les deux films) dans Les Tontons flingueurs : “Les cons, ça ose tout, c’est même à çà qu’on les reconnaît”. C’est peut-être parce qu’ils ne se posent pas trop de questions, qu’ils ne se focalisent pas trop sur les risques que les “cons” entreprennent et osent. Les prudents diront, à juste titre, que foncer tête baissée est le meilleur moyen de se planter. Ils ont raison jusqu’à un certain point. Oser s’apprend en se basant sur les 3 dimensions que j’ai évoquées au point précédent mais aussi en s’inspirant des succès des autres. A cela s’ajoute un autre trait de caractère : faire en allant. C’est accepter qu’il vaut mieux avoir des choses imparfaites qui marchent et qu’on fait évoluer plutôt qu’attendre la perfection qui n’est pas de ce monde. Oser est donc l’affaire de tous !
Parmi les recruteurs que je connais, aucun ne pose la question des échecs aux candidats qu’ils rencontrent. Je ne connais personne qui, dans son CV, ne mentionne les échecs qu’il a vécus. Au contraire, on met en avant ses succès. C’est normal. Pourtant, aux Etats-Unis, on s’intéresse aux échecs parce qu’une personne qui en a connus a de l’expérience et progressera plus rapidement. Elle a moins de chances de les reproduire et trouvera donc plus rapidement le chemin de la réussite. Certaines banques sont même plus favorables à accorder un crédit à un entrepreneur qui a connu la faillite pour ces mêmes raisons.
Certaines organisations ont parfaitement compris l’importance de l’échec. Google, par exemple, l’a institué dans ses gènes. On est conscient dans cette entreprise de la Silicon Valley qu’il n’y aura pas de nouveautés s’il n’y a pas d’échecs. C’est d’ailleurs une des entreprises où le taux de nouveautés est le plus important. Pas étonnant qu’elle soit également celle où le taux d’échecs est très élevé également. Au fait, Google est une des entreprises dont la capitalisation boursière est la plus forte. Vous y voyez un lien de cause à effet, vous ?
Osez entreprendre, osez prendre des risques, acceptez l’échec. Vous y trouverez le succès mais surtout la sagesse et la paix intérieure car vous vivrez sans regrets. Croyez en vos capacités et en vos rêves !
Comme le disait Jean-Paul II en inauguration de son pontificat : “N’ayez pas peur !”.