Nous avons tous été confrontés à la situation suivante : ayant exprimé notre point de vue (une idée d’amélioration, une proposition ou une suggestion par exemples), nous nous rendons compte que notre interlocuteur n’en a pas tenu compte et qu’il a suivi son propre raisonnement. Résultat : colère, frustration et sentiment de perte de temps. Cette situation détériore la productivité de l’entreprise alors qu’une écoute intégrale permet de réduire l’effet négatif de nos aprioris.
Mais pourquoi les choses se sont-elles passées ainsi ?
Il ne faut pas perdre de vue que nous voyons le monde selon notre propre prisme d’aprioris. Ce dernier s’est construit sur notre éducation, notre formation, notre expérience, nos convictions, nos rencontres, notre culture. Ce prisme est donc constitué de toutes ces petites choses que nous avons intégrées et dont nous ne nous rendons plus compte.
Le prisme de nos aprioris
C’est donc ce prisme qui, comme en physique, va déformer la réalité. Voyez plutôt la vidéo ci-dessous, vous comprendrez tout de suite :
Vous aurez constaté que la flèche du bas, dessinée vers la droite, s’est complètement renversée dès lors que le verre d’eau s’est interposé entre la caméra (notre œil) et la réalité (la flèche).
C’est ce qui se passe dans la communication entre deux ou plusieurs personnes. Le verre joue le rôle de nos aprioris. Selon les personnes, il est plus ou moins gros, remplis, etc. Il influence la perception de chacun d’entre nous et donc notre communication avec les autres. C’est ainsi que certains diront “la flèche va à droite”, d’autres rétorqueront “non, à gauche”, d’autres encore “il n’y a pas de flèche mais une ligne” !
Comprendre le prisme de notre interlocuteur
La première chose à faire est de reconnaître – et d’accepter – que nous avons des aprioris et qu’ils influencent nos perceptions et donc nos comportements.
Si on veut atténuer cet effet – on ne peut malheureusement le supprimer – il faut comprendre comment notre interlocuteur voit la réalité au travers de son propre prisme. Il est donc important de se positionner du même côté que lui.
Le meilleur moyen d’y arriver revient à lui poser des questions pour autant qu’elles restent neutres, exploratoires, bref ouvertes.
Privilégier les questions ouvertes
Une question particulièrement intéressante est : pourquoi ? C’est d’ailleurs celle que les enfants posent en permanence et qui, dans certains cas, nous embarrasse en tant qu’adultes. C’est celle qui explore les choses. Bien souvent, il faudra la poser plusieurs fois avant de comprendre réellement le prisme de l’autre personne. Peu importe ! Les autres questions exploratoires que l’on privilégiera sont celles qui commencent par comment, quand, combien, quoi, etc.
On l’aura compris, à ce stade, on évitera de poser des questions fermées qui se répondent de manière binaire, par un “oui” ou un “non”.
Quatre pièges à éviter
Mais attention au piège des raccourcis : ces questions que l’on pose pour valider son point de vue. Ce sont celles que de nombreux journalistes posent aux hommes politiques et qui se répondent – normalement – par un “oui” ou un “non” mais ne donnent pas beaucoup d’information.
Un autre piège fréquent est celui du contre-argument : on a posé une question ouverte et notre interlocuteur donne un argument par rapport auquel on veut formuler une objection. Réaction traditionnelle et humaine : l’interruption spontanée. En stoppant son interlocuteur, nous interrompons notre voyage dans son prisme et perdons, par la même occasion, une opportunité de le comprendre. Comprendre ne signifie pas forcément approuver. Dans un exercice comme celui-ci, l’objectif n’est ni de convaincre ni de vaincre. Réagir en rebondissant sur les propos qui ont été tenus est le plus sûr moyen de poursuivre efficacement l’exploration du prisme de l’autre et d’obtenir une réelle information utile.
Le “tir en rafale” est également un piège à éviter. Dans un grand enthousiasme, certaines personnes posent plusieurs questions en même temps. Dommage ! Car que se passe-t-il la plupart du temps ? On répond à l’une d’entre elles et les autres seront oubliées – volontairement ou non – alors qu’elles sont certainement très pertinentes.
Certaines personnes sont réticentes à utiliser des questions ouvertes. En effet, leur interlocuteur étant bavard, elles pensent qu’en ouvrant la porte avec une question ouverte, elles sont parties pour un processus interminable. Si c’est le cas, cela veut en tout cas dire que notre interlocuteur est probablement en manque d’écoute et de reconnaissance : informations intéressantes concernant son prisme. En s’armant de patience et en répétant l’exercice, rapidement, l’interlocuteur raccourcira son temps de parole pour revenir à quelque chose de plus raisonnable.
Une bouche et deux oreilles pour écouter deux fois plus qu’on ne parle
Dans un tel processus, l’écoute est fondamentale. On prête à Lao Tseu la maxime suivante : “Tu as deux yeux, deux oreilles et une seule bouche. Alors regarde, écoute et parle peu”. Sage recommandation qui constitue la base d’un management efficace : l’observation, l’écoute et le questionnement.
Les bons indicateurs de gestion sont ceux qui renforcent l’écoute de l’entreprise et des signaux qu’elle émet pour se détacher de son propre prisme et comprendre celui des autres et leur permettre de s’exprimer et de s’engager.
Les aprioris non alignés dans l’entreprise influencent sa manière de fonctionner et sa productivité. De nombreuses pertes d’efficience trouvent leur origine dans ce “symptôme” et sont très rarement identifiées et mesurées comme telles.
N’hésitez donc pas à cultiver le questionnement dans votre mode de fonctionnement. Vous en comprendrez d’autant mieux comment les autres fonctionnent et augmenterez en productivité.