On peut assez facilement identifier le client final d’une entreprise. De là à définir correctement ses besoins, c’est une autre question.
Lorsque le nombre d’intervenants augmente, les choses se compliquent et les risques de dérapage se multiplient avec en bout de course un client final insatisfait, du travail inutile réalisé, des corrections à apporter, un stress à gérer et, in fine, un coût – la plupart du temps masqué mais bien réel – pour l’entreprise.
Ces situations sont plus fréquentes que ce qu’on imagine.
Si vous voulez vous en convaincre, regardez l’extrait du reportage sur le scandale du gaspillage alimentaire diffusé sur la chaîne française M5. Le cadre d’observation est celui d’un hôpital en France.
Vous y verrez 3 acteurs directs et 1 indirect … à découvrir !
L’extrait démarre avec la visite des poubelles de l’hôpital avec une aide soignante. On découvre plusieurs containers remplis d’aliments provenant des plateaux des malades.
La séquence suivante est tournée dans l’entreprise qui prépare les repas. On y entend un responsable expliquant que tous les repas sont correctement préparés, selon les normes les plus sévères de diététique et d’hygiène.
L’extrait se termine par l’interview d’un malade se plaignant du manque de goût de la nourriture et une infirmière jetant le contenu d’une assiette à la poubelle.
Le reportage a ceci d’intéressant qu’il nous met tous les acteurs en scène en même temps et nous permet d’avoir une vision large de la problématique, ce qui est rarement le cas dans une situation réelle en entreprise.
On se rend ainsi compte que l’hôpital dépense des montants en nourriture qui se retrouve à la poubelle. L’hôpital gaspille donc ses budgets.
D’autre part, les patients se plaignent de la qualité de la nourriture. C’est évident que ce poste n’est pas le plus important dans un hôpital comparativement à celui lié aux soins médicaux. Néanmoins, pour l’hôpital, il est capital.
Si la plupart des patients quittent l’hôpital en meilleure santé, ils garderont une image négative de l’établissement de soins, à cause d’un détail, certes, mais un détail qui a de l’importance.
Le discours du responsable de l’entreprise qui prépare les repas, pris de manière isolée, est cohérent, logique, rigoureux.
Lorsque son message est remis dans son contexte, on se rend compte qu’il y a une certaine incohérence avec la réalité. Cette dualité de discours, cohérent de manière isolée, incohérent remis dans son contexte, est quelque chose que l’on observe en permanence dans les organisations. C’est aussi une source de perte de productivité importante.
Comment procéder alors pour repositionner les choses et améliorer le mode de fonctionnement ?
En mettant les personnes reprises dans le reportage – en ajoutant le 4ème acteur muet : l’infirmière que vous avez identifiée certainement – autour d’une table, on peut clarifier les besoins des uns et des autres.
En fait, il s’agit d’identifier qui est client de qui et donc par la même occasion le fournisseur dans le processus.
Ici les clients sont l’infirmière et le patient. Le fournisseur est le représentant de la société qui prépare les repas. On pourrait ajouter un acteur supplémentaire : le responsable financier. Ce dernier est à la fois client et fournisseur. Dans la mesure où on peut imaginer que le cahier des charges a été établi par son service, il est fournisseur d’information pour la société de restauration. A-t-il intégré les besoins des patients dans la demande formulée ?
La question à se poser est la suivante : compte tenu du budget consacré aux repas, que peut-on proposer aux patients qui les satisfassent tout en respectant les contraintes diététiques ? Il est possible que la question qui a été posée aie été de proposer un repas qui réponde aux contraintes diététiques et financières. Dans ce cas, le patient a été “oublié”.
Deux cas de figure extrêmes existent.
Soit il n’est pas possible de modifier la préparation des repas. Ils resteront fades et les patients devront s’en accommoder (néanmoins, il existe une marge de progrès évidente dans ce domaine qu’il faudra à un moment ou à un autre adresser). Dans ce cas, il faut réduire les quantités en indiquant aux patients que s’ils n’ont pas assez, ils peuvent demander un supplément. On gardera au chaud quelques plateaux supplémentaires. Certains patients demanderont ce supplément mais la majorité ne le fera pas. Ainsi, on réduit les quantités préparées et donc le budget.
Soit il est possible de revoir les menus et de proposer des repas ayant plus de goût tout en respectant le budget. Dans ce cas, les patients seront satisfaits, s’alimenteront correctement, guériront plus vite et en parleront autour d’eux.
On peut évidemment combiner les deux propositions.
Une entreprise dans laquelle nous faisions une intervention a été confrontée à une situation similaire, à ceci prêt que la qualité des menus était reconnue par tous les membres de l’entreprise. Par contre, beaucoup de plateaux partaient à la vaisselle avec de nombreux aliments.
Il ne s’agissait pas d’un problème de qualité mais de quantité.
Après analyse, les quantités ont été réduites tout en permettant aux collaborateurs qui le souhaitaient de se resservir. Dans la réalité, peu de personnes l’ont fait laissant des assiettes vides en fin de repas.
Cela a représenté pour l’entreprise une économie importante dans le budget des achats qui a été réinvesti en partie dans des menus plus variés.
Résultat de l’opération : l’entreprise a réduit ses coûts et les collaborateurs ont vu une plus grande diversité dans les menus tout en maintenant un niveau de qualité aussi élevé.
La situation nous montre clairement que qualité et productivité peuvent être combinés et conduire à la fois à une réduction des coûts et une augmentation de la qualité. Le point de départ de la démarche consiste à identifier clairement les clients et leurs besoins.
C’est, en d’autres termes, mettre les bonnes lunettes pour voir la réalité telle qu’elle est.